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Le Japon, un pays qui trompe énormément ?






La semaine dernière, en me perdant sur Youtube, je suis tombée sur une vidéo du duo Nippon-Coréen Asian Boss. Spécialistes des micro-trottoirs abordant les questions de société dans leurs pays respectifs, les deux hommes se sont attaqués cette fois-ci à l'infidélité au Japon. 


Et le moins qu’on puisse dire, c'est que les réponses des interviewés sont assez surprenantes !






« 80 % des hommes et des femmes aurait déjà été infidèle »




C'est ce que pensent certains Japonais interrogés par le duo de Youtubeurs.


Si la réponse donnée par ce couple dans leur vingtaine semble exagérée, les réponses des autres interviewés tendraient à confirmer que la fidélité ne serait pas le fort du peuple nippon : « 70 % [a déjà été infidèle] chez les hommes… et entre 50 et 60 % chez les femmes » selon un jeune homme, et « 30 % chez les hommes et peut-être 80 % chez les femmes » selon deux autres demoiselles.




(Photos :Source : Asian Boss)




Bien que surprenants, les propos recueillis par Asian Boss sont assez représentatifs de ce que les Japonais semblent penser de la fidélité de leurs concitoyens. 


En effet, dans une étude de psychologie sociale menée par le chercheur américain David M.Buss sur l'infidélité dans le couple aux USA, au Japon et en Corée du Sud, 75 % des Japonais affirmaient que les hommes en couple étaient facilement enclins à avoir une aventure sans lendemain.





A la question « avez vous déjà été infidèle ? », les participants du micro-trottoir ont même corrélé les statistiques. Sur quatre hommes, trois ont déjà trompé leurs partenaires, contre deux femmes sur les quatre interrogées.




(Photos : source : Asian Boss)




Pourtant, dans les faits, les Japonais ne seraient pas aussi infidèles qu'ils penseraient l'être.


Un sondage réalisé en 2008 par le Ministère de la santé montrait que seul 20 % des hommes mariés entre 20 et 49 ans avait commis un écart de conduite durant l'année précédant le sondage. Chez les femmes, cette proportion descendait à 11 %.


A titre comparatif, les Français seraient environ 3 % à commettre l'adultère chaque année, contre 10,8 % des Russes, champions européens de leur catégorie, et 63,5 % des Camerounais, leaders mondiaux du coup de canif dans le contrat, selon l'étude sur l'infidélité autour du monde menée par Pamela Druckerman, journaliste nord-américaine et auteure du livre «  Lust in Translation ».



Que cela soit dit : l'adultère, c'est comme le Coca-cola, c'est international ! Mais au fait, pourquoi trompe-t-on ?





« Quelle excuse donneriez-vous si vous étiez pris(e) sur le fait ? »



A cette question, les femmes ont tendance à tenir l'homme pour responsable de leur adultère : « C'est la faute du mec s'il n'a pas su garder mon intérêt. Je ne pense pas que je sois fautive », déclare une femme au micro des Youtubeurs


Leurs comparses masculins, quant à eux, blâment l'alcool et réduisent l'aventure à une simple histoire de sexe.




(Photos :Source : Asian Boss)




Ces différences de comportement sont encore une fois assez proches de ce que la psychologie sociale peut nous en dire.


Selon David M.Buss, le délaissement affectif serait en effet à l'origine de l'infidélité féminine, contrairement à l'infidélité masculine qui serait causée par un dysfonctionnement sexuel au sein du couple.


A contrario, pour la psychologue canadienne Sara Dimerman, spécialiste des problèmes conjugaux, sexe et ressenti affectif seraient liés, le délaissement affectif pouvant être un frein à la sexualité d'un couple :


“Sans sexe et intimité, une part importante de ce qui constitue une relation amoureuse vient à manquer. Sans cela, le couple a plus de chance de se sentir comme de simples colocataires. Bien que la relation puisse toujours être remplie d'affection et de tendresse, l'amour prend une tournure différente. L'amour que les gens désirent le plus dans une relation va plus loin qu'un simple attachement à l'autre”  (Tokyo Families, 2015)




Or, au Japon, la proportion de couples n'ayant plus de rapports sexuels n'a cessé d'augmenter ces dernières années. 


En 2015, un sondage du planning familial japonais montrait que sur 3 000 personnes en couple, 49,3 % d'entre elles n'avaient pas eu de rapports sexuels durant le mois précédant le sondage. 21,3 % des hommes se disait trop fatigué pour remplir les devoirs conjugaux, et 15,7 % affirmait même de plus être intéressé par la chose. La faute à un travail prenant ? Pas forcément…





En partie à l'origine de ces couples dits sexless, une tendance culturelle à transformer lecouple en famille après le mariage et la naissance du premier enfant.


Véritable bijou du foyer dans la société japonaise, l'enfant concentre toute l'attention de ses parents. Devenus Papa et Maman, certains ne prennent alors même plus la peine de s'appeler par leurs prénoms ! 


Le sentiment d'appartenir à un couple s'affaiblissant au profit de celui de faire partie d'une famille, la libido de Monsieur et de Madame en pâtirait.


C'est sur ce constat alarmant que la marque de cosmétiques japonaise RED BA avait basé sa campagne publicitaire de 2014, une vidéo de trois minutes montrant la réaction de dix-neuf femmes lorsque leurs époux les appellent subitement par leurs prénoms après plusieurs années de « Maman » :


« Évidemment je suis une mère, mais c'est agréable de penser que je suis peut-être encore perçue comme une femme à part entière » (RED BA)


Considérer l’autre comme un parent avant de le voir comme un homme ou une femme, pourrait alors expliquer cette tendance japonaise à combler le manque affectif et sexuel en dehors du lit conjugal.




Assouvir une pulsion sexuelle, se venger d'un manque d'attention, briser la routine, si les raisons de l'infidélité semblent multiples, qu'en est-il de la définition même de l'adultère ?



(Vidéo : Parce qu'une mère est avant tout une femme (Source : YouTube))




« Payer, ce n'est pas tromper »




Si pour la plupart des Occidentaux, tromper se résume en général à avoir une relation sexuelle avec un(e) autre partenaire que son conjoint(e), les Japonais semblent faire une nette différence entre le sexe avec sentiments et le sexe qui en dépourvu.


En effet, pour la plupart des interviewés, l'écart de conduite est pardonnable si le coupable ne ressent rien pour la personne avec laquelle il a couché. Si au contraire, les sentiments sont bien là, l'acte jusqu'alors excusable devient un véritable cas d'adultère.





C'est pourquoi, la prostitution ne relèverait pas de l'infidélité. 


A  la question « [Avoir recours à] la prostitution, c'est tromper ? », l'ensemble des interviewés ont répondu par la négative : « C'est seulement un service pour lesquels les hommes paient ». Pour certains, cela reviendrait même à « aller au restaurant ».




(Photos : Source : Asian Boss)




Et cette idée semble être largement répandue sur l'archipel ! 


En effet, l'année dernière, la cour fédérale de Tokyo avait rejeté la plainte d'une femme dont l'homme-d'affaires-de-mari avait profité de ses voyages d'entreprise pour entretenir une liaison de 7 ans avec une hôtesse de bar. La raison de ce non-lieu ? Les relations sexuelles tarifées ne pourraient pas être considérées comme relevant d'un adultère, l’hôtesse ne faisant que “fidéliser” son client :


« L’accusée entretenait des relations sexuelles avec son client strictement à des fins professionnelles comme dans les cas de prostitution, et une telle conduite n’endommage pas la vie conjugale » (YOTIN)


Payer, n'est-ce vraiment donc pas tromper ? La doctorante de l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) Véronika Nagy pencherait elle aussi en ce sens.


Pour elle, l'adultère dépasserait le cadre de la simple relation sexuelle, et prendrait en compte au moins un des trois paramètres suivants : les sentiments amoureux, la mise en couple notoire, et la prise en charge d'enfants qui ne serait pas les siens :


« L’adultère est généralement assimilé à une relation sexuelle avec un partenaire autre que le conjoint. À travers l’analyse de la preuve de l’adultère dans des dossiers juridiques de divorce pour faute, on découvre que la catégorie adultère déborde de la relation sexuelle extra-conjugale, pour être constituée de trois types de contenus plus larges : le fait d’entretenir une relation amoureuse avec un tiers, le fait d’être en possession d’état de couple avec un tiers, le fait de devenir le père ou la mère d’un enfant dont le parent n’est pas l’autre conjoint » (NAGY)




Asian Boss vous l'avez donc dit : payer, ce n'est pas tromper (enfin peut-être). Et quand bien même cela le serait, vous sépareriez vous du partenaire infidèle ?







La séparation oui, le divorce non




Bien que diverses, les réponses recueillies par Asian Boss convergeraient dans ce sens : l'adultère mènerait à la rupture si le couple n'est pas marié.


En effet, parmi les douze personnes ayant répondu au micro des Youtubeurs, la plupart d'entre elles mettraient fin à leur relation si cette dernière ne les engageait pas à long terme et si l'aventure impliquait des sentiments. A contrario, si le partenaire infidèle se repend et qu'il ne s'agissait que d'une histoire sans lendemain, certains seraient prêts à pardonner l'écart de conduite : « Si je le surprenais sur le fait, je romprais avec lui. Mais si il avoue de lui-même, je reconsidérerais ».






(Photos : source : Asian Boss)




Pourtant, il semble en être autrement lorsqu'il s'agit du mariage, puisque seule une personne sur les trois ayant répondu à la question de l'infidélité dans un couple marié divorcerait, les autres ne voulant pas faire partie du clan des divorcés : « Si c'est un petit ami, je romprais. Si c'est un mari, je ne le ferais probablement pas. Je ne veux pas divorcer ».




(Photos : source : Asian Boss)




En effet, bien que le nombre de divorces augmente au fil des années, passant d'environ 16 500 en 1991 à 231 000 en 2013 selon la division statistique des Nations Unies, les Japonais restent frileux a mettre fin à leurs unions. 


Parmi les raisons principalement évoquées, on retrouve la possibilité de ne plus revoir ses enfants du côté masculin (la garde partagée n'étant pas monnaie courante sur l'archipel) et  la situation économique difficile dans laquelle se retrouverait la femme après le divorce (de nombreuses femmes mariées étant encore femmes au foyer aujourd'hui).





Pourtant, divorcer s’avérerait financièrement rentable pour la partie plaignante !


L’infidélité étant sévèrement punie par la loi, il serait ainsi possible de demander réparation jusqu'à 2 à 3 millions de yens (entre 17 650 euros et 26 450 euros), comme le souligne le site Tokyo Incognito dans l'un de ses articles sur l'infidélité au Japon.







Conclusion 



L’infidélité est un vaste sujet ! Pour découvrir les autres questions posées par le collectif de Youtubeurs, je vous invite à visionner dès à présent la vidéo d’Asian Boss dans son intégralité.







Sources


ADELSTEIN Jake, Equal-opportunity infidelity comes to Japan. TheJapanTimes.co.jp, 2013. [En ligne] à l'URL :http://www.japantimes.co.jp/news/2013/07/06/national/media-national/equal-opportunity-infidelity-comes-to-japan/#.V7Zt8piLTIV$


ASIAN BOSS (Coll.), How Much Do the Japanese Cheat. YouTube, 2016, 5 mn 06 s. [En ligne] à l'URL : https://www.youtube.com/watch?v=ENscSDOsodE


BUSS M. David, « Jealousy and the nature of beliefs about infidelity : Tests of competing hypotheses about sex differences in United-States, Korea and Japan », Personal Relationships, vol. 6, 1999, p. 125-150. [En ligne] à l'URL :http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1475-6811.1999.tb00215.x/epdf


DIMERMAN Sarah, Even Healthy marriages are vulnerable to infidelity. TokyoFamilies.net, 2015. [En ligne] à l'URL : http://www.tokyofamilies.net/2015/03/even-healthy-marriages-are-vulnerable-to-infidelity/


MORIZOT, Marie, Le tour du monde de l'infidélité. MetroNews.fr, 2009. [En ligne] à l'URL :http://www.metronews.fr/x/metro/2009/02/18/z58hMeZufb2k/index.xml



POLA (real.), RED BA “Call her name”. YouTube, 2014, 3 mn 35 s. [En ligne] à l'URL : https://www.youtube.com/watch?v=oiF_qeICoLU


TOKYO INCOGNITO, Divorce et adultère au Japon. TokyoIncognito.info, 2011. [En ligne] à l'URL : http://tokyoincognito.info/?p=1509


UNITED NATIONS STATISTICS DIVISION, Demographic Yearbook 2013. Unstats.un.org, 2014. [En ligne] à l'URL :http://unstats.un.org/unsd/demographic/


YOTINE, Guy (Pseudo), Au Japon, une relation sexuelle tarifée ce n'est pas un adultère. ZNN.fr, 2015. [En ligne] à l'URL : http://znn.fr/15968/au-japon-une-relation-sexuelle-extraconjugale-tarifee-ce-nest-pas-un-adultere/



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